Pour beaucoup le reniflard ne sert en fait qu’au remplissage d’huile du moteur et n’a aucun autre rôle. Mais il n’en est rien, il est bien plus important qu’il n’y paraît pour le néophyte. En fait, du point de vue technique, ce dispositif est à l’image de la 2 CV, tout à la fois simple, sophistiqué et très astucieux.
Lorsque les ingénieurs motoristes de Citroën ont conçu le moteur à deux cylindres à plat opposés de la 2 CV, ils se sont vite rendus compte que les pistons étaient tout les deux en même temps au point mort haut et au point mort bas. Et cela avait pour effet, à chaque rotation, de faire varier le volume d’air contenu dans son carter de la valeur de la cylindrée. Dans le cas d’un moteur parfaitement étanche, cette caractéristique a pour effet de créer successivement dans son carter une compression et une dépression à chaque tour. Un tel phénomène peut rapidement venir à bout des meilleurs joints d’étanchéité d’un moteur, surtout lorsque l’on sait qu’un bicylindre de 2 CV peut tourner jusqu’à plus de 6 500 tr/mn. On imagine donc les efforts dans un sens comme dans l’autre auxquels ses joints d’étanchéité peuvent être soumis tous autant qu’ils soient. Et un joint qui lâche, on le sait, se traduit automatiquement par une fuite d’huile avec toutes les conséquences fatales que cela peut avoir sur le moteur. Donc, pour pallier à ce phénomène mécanique, les ingénieurs motoristes de Citroën ont mis en place une mise à l’air du carter, mais ils lui ont aussi adjoint un dispositif particulièrement ingénieux destiné à améliorer le fonctionnement du moteur.
En effet, ces derniers ont imaginé doter leur mise à l’air d’un clapet qui s’ouvre pour laisser sortir l’air compressé lorsque les pistons se déplacent du point mort haut vers le point mort bas et qui, lorsqu’ils retournent au point mort haut, se referment empêchant l’air chassé de retourner dans le carter moteur. Ce clapet crée ainsi dans le carter une dépression. C’est-à-dire que si l’on mesure la pression à l’intérieur du carter lorsque le moteur fonctionne, l’on trouve une pression qui est inférieure en valeur à celle de la pression atmosphérique. Ainsi, il n’y a plus aucune chance que l’huile soit chassée à l’extérieur du moteur, et si un joint venait à faiblir il ne lâchera pas tout de suite et commencera par faire entrer de l’air dans le moteur avant de suinter. Au passage, rappelons que sur un moteur de 2 CV, l’huile a deux fonctions tout aussi importantes, la lubrification de ses organes mais aussi son refroidissement et tout particulièrement celui de ses guides de soupapes d’échappement. Il est donc doublement important que le moteur en ait toujours la quantité nécessaire !
Il est donc essentiel d’avoir en permanence un reniflard dont le clapet soit en parfait état de fonctionnement. Car un moteur qui fuit peut donc ne pas avoir qu’un problème de joints. Il y a en effet aussi une forte probabilité pour que son reniflard soit en cause. On a par exemple déjà vu fuir des moteurs refaits avec des joints neufs mais qui étaient équipés d’un reniflard totalement inopérant…
De 1949 à 1990, Citroën a successivement monté deux types de reniflard. Le premier, à simple clapet, équipe tous les moteurs de 375 cm3, tous les moteurs de 425 cm3 dont la puissance est inférieure ou égale à 18 ch et tous les moteurs de 602 cm3 antérieurs au mois de septembre 1963. De 1949 à octobre 1952, le clapet est constitué d’une rondelle de métal clinquant puis, d’octobre 1952 à juillet 1954 d’une rondelle de caoutchouc. A chaque fois la rondelle, qui se soulève sous l’effet de la pression intérieure du moteur, est maintenue en appui par un petit ressort. A partir de juillet 1954 est monté le fameux bec d’anche en caoutchouc qui s’ouvre et se ferme par élasticité. Emmanché dans le reniflard, celui-ci ne nécessite aucun entretien et se remplace sans aucun outil…
Le second reniflard apparaît sur le moteur de 602 cm3 à partir du mois de septembre 1963. Il est aussi monté sur tous les moteurs de 425 cm3 de 21 ch, sur tous les moteurs de 435 cm3 et tous les moteurs de 652 cm3. Il se distingue du modèle précédent par le fait qu’il possède deux clapets au lieu d’un, un dispositif déshuileur des vapeurs et qu’il n’est pas démontable. S’il ne fonctionne plus, Citroën ne prévoit pas qu’il puisse être réparé. Il faut absolument le remplacer par un neuf. A la longue, soumis à la chaleur et aux hydrocarbures, ses deux clapets en caoutchouc finissent par durcir et devenir inopérants.
Aussi, il est possible de savoir quel est exactement l’état de fonctionnement d’un reniflard sans à avoir à attendre de constater que le moteur qu’il équipe est l’objet de fuites d’huiles. Lorsque celui-ci tourne, l’on peut en effet mesurer la dépression qui se crée dans le carter avec un dépressiomètre à eau qu’il suffit de brancher sur l’orifice du puits de jauge à huile. A ce propos, précisons que pour obtenir une bonne dépression de carter, il est aussi impératif que, sur tous les modèles, l’élément en caoutchouc qui assure l’étanchéité entre le puits de jauge et la jauge soit lui aussi en bon état et bien souple. Il faut que l’étanchéité se fasse bien autour de la jauge à huile lorsqu’elle est en place pour qu’il n’y ait pas de fuite.
Enfin, outre le fait que le reniflard crée une dépression à l’intérieur du carter moteur, il permet aussi le recyclage par l’admission des gaz et vapeurs internes que celui-ci produit. En effet, via le filtre à air, les gaz évacués par le clapet sont envoyés dans le carburateur. Cela peut aujourd’hui paraître avoir été motivé par un souci écologique, mais l’avantage d’une telle solution est avant tout technique. En effet, les gaz émis par le fonctionnement interne du moteur depuis son carter sont chargés de vapeur d’huile, et ceux-ci permettent de ce fait une légère mais régulière lubrification des hauts de cylindre ce qui ne peut qu’être bénéfique au bon fonctionnement du moteur.
Vous l’aurez compris le reniflard est un élément essentiel au bon fonctionnement des moteurs des petites Citroën et il ne doit surtout pas être négligé. Il est donc essentiel de s’assurer régulièrement qu’il remplit bien son rôle.